Compositeur, pianiste, auteur

SACEM Elections du 21 juin 2022

J’ai l’honneur d’être candidat au Conseil d'Administration

Denis LEVAILLANT, compositeur.
Opus 1 en 1973. Adhérent Sacem 1978. Villa Medici 1983. Prix de la RAI au Prix Italia 1988. Sociétaire définitif depuis 1998. Nombreuses commandes : État, Radio-France, Comédie Française, Opéra National de Paris, Ensemble Intercontemporain, Ina-Grm, CNM.

A la fois pianiste et compositeur, j’ai depuis mes débuts développé un catalogue de musique symphonique (près de 140 œuvres de concert à ce jour) et me suis efforcé de le faire fructifier à l’image : cette double activité est constitutive de mon parcours professionnel.
Cet éclectisme (du ballet La Petite Danseuse de Degas donné plus de quarante fois à l’Opéra de Paris à de très nombreuses synchronisations, dont le générique de fin d’un des derniers clips de Rihanna, Bitch Better Have my Money ) peut je l’espère enrichir les échanges du CA.
La responsabilité à laquelle j’ai été élu cette année par mes collègues - la Présidence de la Fédération de la composition - Musiques de création - m’a permis, lors de très nombreuses rencontres avec les institutions en charge des aides à la création (DGCA, Radio France, MMC, CNM), de mesurer les réformes nécessaires.
Je souhaite aider à faire progresser notre maison Sacem sur quatre sujets qui me semblent aujourd’hui cruciaux pour la défense du droit d'auteur et le renforcement de la gestion collective face aux bouleversements actuels de notre métier (économiques, sociologiques, sociétaux, culturels): le numérique, la synchronisation, la parité, la valorisation des répertoires fragiles.


Le monde numérique est en période d’expansion maximale, et je constate que les auteurs et compositeurs ne participent que très peu à ses bénéfices. La répartition par streaming est tellement faible qu’il faut des millions d’écoutes pour espérer toucher quelque argent.
Je souhaite donc que la SACEM développe plus encore la veille technologique et juridique sur le développement du monde numérique, afin que notre maison soit mieux armée pour cette tâche cruciale. Il nous faut être vigilants et combatifs

Je souhaite que le « bras de fer » avec les GAFAM continue dans le sens d’une valorisation accrue des droits d’auteur. Dans ce nouveau monde, la valeur importante apparaît être plus les data que la rétribution monétaire. Il n’empêche que des inégalités de répartitions inacceptables existent aujourd’hui, entre les plates-formes acceptant globalement le principe du droit d’auteur (Apple) et celles le déniant ouvertement (Spotify : de 1 à 3 en l’occurrence).

Si l’on suit Mark Zuckerberg, le métavers sera le prochain chapitre d’Internet. Dans ce nouveau monde numérique, il semble que le droit d’auteur n’ait pas du tout pour l’instant sa place légitime. C’est inquiétant. Pourtant, d’immenses flux de musiques le traversent quotidiennement, et on peut imaginer y organiser des concerts réunissant plusieurs millions de spectateurs (comme Travis Scott l’a fait en avril 2020 sur Fortnite).

Beaucoup de compositeurs aujourd’hui confient la collecte de leurs droits d’auteur dans le numérique à des sociétés privées qui n’ont pas vraiment d’efficacité. Il serait profitable pour tout le monde que ces créateurs rejoignent la gestion collective, afin que par la SACEM leur soit garantie une répartition plus exacte.

Par ailleurs, il me semble utile de réfléchir au fait que la SACEM puisse intégrer dans ses aides aux sociétaires une part de leur investissement en marketing numérique, et initier avec l’Afdas une formation aux nouvelles pratiques si spécifiques de ce nouveau monde.

L’explosion du streaming a eu une conséquence indirecte intéressante, en cela qu’elle a accru la séduction de certains répertoires « de niche » pour de nombreux professionnels. En particulier, elle a ouvert les portes de la synchronisation audiovisuelle à des répertoires qui n’y avaient pas du tout accès jusqu’à présent, y compris le répertoire symphonique contemporain: il n’est pas rare aujourd’hui d’entendre des œuvres préexistantes être intégrées à des BO de cinéma ou de séries. À mesure que la diffusion augmente sur les plates-formes, les chances d’être synchronisées augmentent pour toutes les œuvres.

La synchronisation (ce que l’on nomme également « librairie ») est ainsi devenue au fil des années un secteur extrêmement important de production de droits d’auteur. Il semble nécessaire que la SACEM accompagne mieux ce mouvement car il est inexorable.

Concernant les commandes de musiques originales, notamment pour les documentaires, certaines sociétés de production n’hésitent pas à contraindre les compositeurs, sous prétexte d’une aide réglée par le CNC, à céder leurs droits éditoriaux. Certaines sociétés sont ainsi en train de constituer des catalogues d’édition grâce à l’argent public, sans aucune contrepartie de leur part puisqu’elles n’ont pas de pratique d’édition professionnelle garantissant une exploitation « permanente et suivie » à ces œuvres (je rends compte ici d’une enquête très récente du SNAC/UNAC/UCMF qui me semble tout à fait révélatrice de ces pratiques condamnables d’édition « coercitive »). Il me semble que la SACEM doit tout faire pour contrer cette dérive préjudiciable à ses sociétaires.

Incontestablement, la société évolue et avec elle notre Maison commune. Les compositrices sont de plus en plus nombreuses et décidées à faire entendre leur spécificité. Je serai à leurs côtés, comme je le suis à la Fédération de la composition (notre CA est totalement paritaire). Nous sommes au tout début d’un vaste mouvement, et il me semble que notre maison se doit de l’accompagner au mieux. Il reste encore du chemin avant qu’une parité réelle ne régisse nos activités. Nous en avons besoin dans les représentations (comités, commissions) comme dans les soutiens (aides aux projets).

Je suis très inquiet de la précarisation croissante de mes collègues (jeunes et anciens ), pratiquant comme moi la musique dite symphonique (« savante » au sens large, pour l’orchestre, les solistes, les formations de chambre, l’électroacoustique, quelle que soit la destination de leurs œuvres), car l’industrie du divertissement, aujourd’hui dominante dans l’économie, laisse peu de place à un art élaboré. Une formation de haut niveau ne permet plus du tout d’exercer un métier suffisamment rémunérateur.

Je souhaite que toute la chaîne des aides spécifiques à ce répertoire difficile et fragile - qui participe sur la durée à l’image internationale de la création française (Debussy, Ravel, Milhaud, Poulenc, Messiaen, Dutilleux, etc.) - soit réexaminée et travaillée de manière à mieux correspondre aux réalités du métier. Il existe en effet une tendance profonde dans la jeune génération à multiplier les expériences professionnelles, à dépasser les catégories, à créer en dehors des fonctions sociales habituelles de la musique, qui ne trouve pas vraiment son écho dans les dispositifs existants.

Le répertoire symphonique n’est pas le seul à être fragilisé par l’industrie: la musique à l’image l’est également grandement, confrontés que sont ses créateurs à des exigences de formatage (les fameux « temp tracks ») construits uniquement pour le divertissement et les empêchant de créer vraiment librement et de manière personnelle.


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Ma candidature au Conseil d’administration de la SACEM recouvre ce désir de réflexion et d’action en réaction à ces nouvelles réalités culturelles, sociologiques et économiques.

© 2017 Denis Levaillant - Contact : Tom Guillouard